J’avais déjà, sur ce blog, évoqué la question du redécoupage des circonscriptions législatives. Comme déjà en 1986, le gouvernement a demandé au Parlement l’autorisation de pouvoir procéder à ce redécoupage par la voie des ordonnances de l’article 38 de notre Constitution – en clair, l’autorisation de faire la loi tout seul, ou presque.
La loi autorisant le gouvernement à procéder par ordonnance ayant été soumise à la sagacité du Conseil constitutionnel par les soins des parlementaires socialistes, l’institution de la rue Montpensier a rendu ce jeudi 8 janvier une décision. Autant le dire tout de suite : c’est un camouflet pour le gouvernement.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la loi que le Conseil a examiné aujourd’hui n’est pas celle qui effectue effectivement le découpage. Elle se contente d’autoriser le gouvernement à le faire, et définit les principes qui devront guider celui-ci dans sa tâche. C’est sur ce dernier point que les Sages ont eu l’occasion de s’exprimer.
On sent les juges pour le moins méfiants. Ainsi, après avoir rappelé dans un considérant de principe que l’Assemblée nationale est élue sur des « bases essentiellement démographiques », il affirme – comme ça, pour la route – que les exceptions éventuelles à ce principe, motivées par des raisons générales ne peuvent être que limitées.
L’application de ce principe conduitle Conseil à censurer une première disposition, qui autorisait le gouvernement à prendre en compte l’écart d’évolution entre la population et les inscrits sur les listes électorales. L’idée n’est pas forcément idiote ; mais le Conseil semble bien craindre que cette possibilité ne soit mal exploitée, et donc la déclare inconstitutionnelle. La confiance règne.
Ensuite – et c’est là une décision importante -, le Conseil décide de revenir – de sa propre initiative ! – sur la règle des deux députés minimum par département. On sait que c’était une des sources importantes de disparité : la Lozère comptant nécessairement deux circonscriptions, cela faisait une circo à environ 32 000 inscrits… Du point de vue de l’égalité devant le suffrage, c’est donc une bonne nouvelle ! Comment le Conseil justifie-t-il cette décision, qui va faire pleurer dans les chaumières des députés des plus petits départements (dont beaucoup vont mécaniquement se retrouver à la retraite d’office en 2012) ? Simple : le constituant ayant décidé de limiter à 577 le nombre de députés (révision constitutionnelle du 23 juiullet 2008), et le même constituant ayant par ailleurs décidé de créer des postes de députés des Français de l’étranger (une idée de l’UMP pour se sécuriser quelques sièges supplémentaires, les Français de l’étranger votant nettement plus à droite que ceux pas-de-l’étranger), le Conseil constitutionnel considère – à juste titre – que, sauf à supprimer la règle des deux députés par département, cela ne pouvait qu’accroître les disparités démographiques. Ce faisant, le Conseil fait un joli coup contre l’UMP : à vue de nez, il semble que les circonscriptions les plus menacées de disparition soient plutôt tenues par des députés UMP (mais je ne peux pas le vérifier, car bizarrement, l’INSEE, qui vient de sortir les chiffres officiels du recensement 2006, ne les fournit pas par circonscription). Si tel était bien le cas, l’UMP ferait – toutes choses égales par ailleurs – une opération blanche, perdant en métropole les députés qu’elle gagnerait parmi les Français de l’étranger… Ca ne m’étonnerait pas que le trio Debré-Chirac-Giscard soit derrière ce petit calcul !
Par ailleurs, le Conseil se montre aussi très méfiant, et émet des réserves d’interprétation, concernant les DOM et TOM d’une part, et la question de la contiguïté des circonscriptions d’autre part. Dans les deux cas, il pose des balises pour empêcher le gouvernement de faire des tripatouillages à sa sauce – ou en tout cas, c’est bien ce que sembelnt craindre les Sages.
C’est donc à mon sens unebonne décision que celle-ci, qui envoie un sérieux coup de semonce au gouvernement, sur le mode : « on vous voit venir et on vous attend au tournant ». De ce point de vue, il me semble que le Conseil se montre plus ferme que par le passé. Ceci étant dit, comme je l’avais déjà signalé, le Conseil ne se soucie toujours que d’équilibre démographique. La question de l’honnêteté du découpage, et des biais partisans que celui-ci peut provoquer, reste ignorée par le Conseil (au-delà du principe de contiguïté).